Bonjour à tous, après une très longue absence, nous vous proposons de reprendre ce blog en main et d’y écrire à nouveau.
Et pour commencer, ce nouvel article proposant d’exposer les liens qui existent entre le paganisme (gnose, manichéisme), le protestantisme évangélique et leurs raisons du rejet de l’Eucharistie invoquant le verset de St Jean 6, 63 :
C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie.
Le but n’est pas ici d’incriminer qui que ce soit mais de répondre, d’expliquer, ce qu’a été le combat de l’Église dès ses origines bibliques, jusqu’à nos jours. Bien que nous partageons beaucoup de choses avec le protestantisme évangélique, des divisions demeurent et l’idée est d’expliquer ici de quoi elles sont faites, d’un point de vue catholique.
Lorsque nous prenons Jn 6, 63 hors contexte, ce verset n’est pas sans rappeler le dualisme que l’on peut rencontrer dans de nombreuses croyances disséminées sur le globe terrestre. Mais partons plutôt des croyances du paganisme gréco-romain au temps de St Paul.
- Dans un premier temps, nous poserons la croyance païenne de la Grèce antique que dénonce St Paul dans ses lettres.
- Nous expliquerons ensuite certains passages des épîtres pour en venir à celui que nous opposent les évangéliques lorsque nous parlons de l’Évangile de St Jean 6, 28-59 concernant « Le Pain de Vie ».
- Nous finirons par poser les raisons qui ont amené l’Église à faire de la transsubstantiation, un dogme lors du Concile de Latran.
L’Orphisme
Dès l’origine, le judéo-christianisme a été influencé par le paganisme. Nous pouvons établir une généalogie de cette influence en remontant à la source – l’Orphisme – qui influença Pythagore, la philosophie de Platon et Philon d’Alexandrie.
Mais reprenons la Théogonie Orphique :
Pour comprendre l’enseignement des orphistes, il faut remonter jusqu’à la création de l’homme. L’homme est né d’un sacrifice : les Titans ont tué le jeune Dionysos et l’ont mangé. La tradition veut que les Titans aient fait bouillir les chairs du jeune dieu, avant de le passer à la broche. Zeus, horrifié par ce crime, foudroie les Titans, et de leurs cendres naissent les hommes. Ceux-ci ont donc une double provenance : à la fois titanesque et dionysiaque. Les Titans ont donné à l’homme son goût pour le mal, mais Dionysos leur confère une parcelle d’origine divine. L’orphisme propose de purifier l’âme et de lui faire gagner l’immortalité en éliminant toute trace de nature titanesque.
Pour un peu plus de détails voir l’article sur ce site
Le paradigme en bref : Le dualisme oppose donc la matière et l’âme, l’univers et Dieu. La matière serait créée à partir d’un dieu mauvais, quant à l’âme, elle émanerait du dieu bon. L’âme serait donc émanée du dieu bon puis s’individuerait dans la matière. Tout son but réside désormais dans le fait de faire tout son possible pour retourner à la source primordiale : »le plérôme » comme l’appellent certains gnostiques.
Une telle métaphysique implique donc une »préexistence des âmes » en Dieu. Or, cette préexistence est enseignée dans plusieurs églises évangéliques. Elle se base sur le verset d’Éphésiens 1, 4 très souvent reprise dans les enseignements de certains pasteurs évangéliques. En voici un exemple à écouter attentivement jusqu’à 6’62.
Eph 1, 4 Il nous a choisis en lui avant la fondation du monde pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard, dans l’amour.
La lutte de St Paul contre l’Orphisme
Dès que nous connaissons un peu l’Orphisme, il nous est très facile de constater que St Paul en parle très souvent dans ses épîtres, concernant par exemples, le corps, ou encore le régime alimentaire. Mais reprenons Eph 1, 4 cité ci-dessus et observons comment ce passage est loin d’être compris correctement par certains évangéliques – comme André-Marc Goulet – et qu’en réalité, ils sont influencés – sans le savoir – par l’un des paganismes des plus antiques :
1 Co 15, 45-49 :
45 C’est ainsi qu’il est écrit: le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie.
46 Mais ce qui est premier, c’est l’être animal, ce n’est pas l’être spirituel; il vient ensuite.
47 Le premier homme tiré de la terre est terrestre. Le second homme, lui, vient du ciel.
48 Tel a été l’homme terrestre, tels sont aussi les terrestres, et tel est l’homme céleste, tels seront les célestes.
49 Et de même que nous avons été à l’image de l’homme terrestre, nous serons aussi à l’image de l’homme céleste.
« Ce qui est premier, c’est l’être animal, ce n’est pas l’être spirituel; il vient ensuite » St Paul rectifie ici les choses, par « ce n’est pas l’être spirituel« , il corrige ce qui est proposé, à savoir, : La préexistence des âmes en Dieu ! De la même manière, le contexte du récit de 1 Co 15 affirme la résurrection. Par exemples : « Si les morts ne ressuscitent absolument pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ? » (1 Co 15, 29), il faut entendre que la matière, le corps, sont créés par Dieu, et non à partir des Titans. La résurrection du Christ et des hommes est juste, elle est historique, c’est ce qu’affirme le chapitre entier :
1 Co 15, 13-14. 32b
13 S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité,
14 et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi.
32 …Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons.
Et ainsi de suite. En conséquence, St Paul affirme l’incarnation du Christ (que plus tard les Docètes contesteront aussi), Sa résurrection et la nôtre ! Il conteste également, la préexistence des âmes et leur élection avant que le monde soit créé. Il semble nécessaire de relire Eph 1, 4 autrement.
NB. La préexistence des âmes soutient la réincarnation – également une croyance orphique – et est vivement démentie par l’auteur de la lettre aux hébreux (Hé 9, 25-28). Ainsi dans Phédon, Platon nous dit ceci :
« Il existe une antique tradition [l’orphisme], dont nous gardons mémoire, selon laquelle les âmes arrivées d’ici existent là-bas [dans l’Hadès, l’Au-delà], puis à nouveau font retour ici même et naissent à partir des morts.
S’il en va de cette façon, c’est à partir de ceux qui moururent un jour que les vivants naissent à nouveau, […] les vivants ne proviennent d’absolument rien d’autre que des morts. […] Ce point, ne l’examine pas seulement à propos des hommes, mais aussi à propos de tous les animaux, de toutes les plantes et, plus généralement, de toutes les choses comportant un devenir »
De l’influence païenne, St Paul dira finalement :
1Co 15, 33-34
« Ne vous y trompez pas : les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs. Revenez à vous-mêmes, comme il est convenable, et ne péchez point ; car quelques-uns ne connaissent pas Dieu, je le dis à votre honte. »
En conséquence, St Paul nie absolument tout dualisme, ce qui nous conduit questionner à nouveau ce passage :
Jn 6, 63
C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien.
« La chair ne sert de rien« … Suivez vous la méprise, l’influence ? Le fait est en réalité que la chair du Christ sert de beaucoup ! Si la chair du Christ, celle qu’il nous invite à manger « en substance » dans le pain consacré, ne sert de rien, alors le Fils de Dieu s’est incarné pour rien, il est mort pour rien et il est ressuscité pour rien. La chair du Christ nous profite plus que n’importe qu’elle autre au monde. Si la mort et la résurrection du Christ ne « servaient de rien », alors « vaine est votre foi. Vous êtes encore dans vos péchés. Alors, aussi ceux qui se sont endormis dans le Christ ont péri. » (1 Co 15, 17b-18)
Mais que faut-il comprendre alors ?
Revoyons le contexte :
Jn 6, 62
62 Et si vous voyiez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant … ?
63 C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie.
64 Mais il en est parmi vous qui ne croient pas. » En fait, Jésus savait dès le début quels étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui allait le livrer.
65 Il ajouta: « C’est bien pourquoi je vous ai dit: Personne ne peut venir à moi si cela ne lui est donné par le Père.
66 Dès lors, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de faire route avec lui.
Au verset 62, personne ne conteste que Jésus est remonté vers le Père, au Ciel (Ac 1, 9), ça parait à peine croyable, mais comment pourrions nous le comprendre sans l’Esprit, sans la Foi, sans la Grâce ? Ou pour le prendre autrement, est-il possible d’y croire de façon « charnelle » ? Comme le dit Jésus dans le contexte : « il en est parmi vous qui ne croient pas » et « Dès lors, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de faire route avec lui«
« La chair ne sert de rien » fait référence à l’inclination du genre humain à vouloir utiliser uniquement ce que la raison humaine lui dicte plutôt que ce que Dieu lui dit. Ainsi en Jean 8, 5-16, Jésus dit à ses opposants : « vous, vous jugez selon la chair ; moi je ne juge personne ; et s’il m’arrive de juger, moi, mon jugement est selon la vérité, parce que je ne suis pas seul ; mais il y a moi et celui qui m’a envoyé. » Donc le jugement humain naturel, sans l’aide de la grâce de Dieu, est non fiable, mais le jugement de Dieu est toujours vrai.
Catharisme et Transsubstantiation
Dès le début, et aujourd’hui encore, la gnose, le manichéisme est l’ennemi contre lequel l’Église n’a eu de cesses de se défendre. Or, justement, c’est suite à une autre gnose que le dogme de la Transsubstantiation fut proclamé avec la même force que St Paul et Jésus. Et cette gnose, c’est la doctrine des cathares et de leur livre secret interrogatio iohannis.
NB : Les luttes des premiers chrétiens contre « ceux qui ne confessent pas que l’eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ » (St Ignace aux Smyrniotes)
Et pourtant, « Dieu vit que cela était bon » Gn 1 !
1 Jn 4, 2-3 Reconnaissez à ceci l’Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu, c’est celui de l’antéchrist, dont vous avez appris la venue, et qui maintenant est déjà dans le monde.